Baucher au XXIème siècle : vers une troisième manière ?
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Dans le bauchérisme, on est amené à « sentir » la bouche du cheval, comme indication-confirmation de l’état ou non de décontraction ; si la perméabilité n’est pas là, les moyens préconisés par Faverot de Kerbrech consistent à provoquer la mobilité de la mâchoire par la main, partant du postulat que le cheval ne peut pas « résister » dans une partie de son corps s’il a la bouche décontractée. Avec du recul, il s’avère que la décontraction n’est pas totale, et qu’il y a tout lieu à « provoquer » le liant de la mâchoire par des postures qui incitent la perméabilité de la bouche ; encore une fois, la décontraction s’amorce mais n’est pas totale à plus forte raison si la posture ou le mouvement dont découle la posture est obtenu avec plus ou moins de force (par la main ou les jambes ou les deux!).
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Une autre solution consiste à laisser libre, totalement libre le cheval sans qu’il ne sente la main ni les jambes (la bouche ne doit surtout pas « percuter » la main, et les jambes détendues, relaxées, à peine au contact des flancs). L’assiette se contente d’être « neutre », liante et souple, simplement « accompagnatrice » ; quant à la main, elle « va avec » toutes les oscillations propres à la mécanique de l’allure, qui, si elle en était venue à devenir irrégulière, ne tarde par à retrouver sa régularité naturelle. A ce stade, la main va « influencer » les mouvements du balancier tête-encolure, et ce sur tous les axes : élévation, et fermeture progressive de l’angle de la nuque (à prendre en compte que le moindre effet de main dans cette situation ne doit RIEN prendre sur l’impulsion, d’où l’importance à ne pas faire sentir les jambes pendant que la main agit). On constate dans ce cas que la bouche conserve toute sa perméabilité, c’est à dire que le cheval, par l’intermédiaire de sa bouche, suit la main de son cavalier tant qu’elle n’exige pas des postures « pénibles » n’aboutissant que sur des résistances… c’est au cavalier d’être cohérent quant à ces exigences, et progressif dans la reconstruction posturale du cheval sous son cavalier.
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La légitimité du processus décrit dans le point précédent revient de droit à P. Franchet d’Esperey, processus mis en application et développé par plusieurs d’entre-nous, permettant ainsi de « faire remonter l’information » pour développer cette recherche de flexibilité d’une part, mais surtout développer l’adhésion morale et physique du cheval aux demandes de son cavalier dont la flexibilité découle. La difficulté étant de faire comprendre et admettre au cheval la « reconstruction posturale » nécessaire à sa préservation sous la charge du poids de son cavalier ! C’est à dire ce qui n’a pas de sens pour lui !
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Dans le point précédent, on a un cheval dont la flexibilité est nettement supérieure à ce que je connais, c’est un fait. Toutefois, un piège, et de taille, est à éviter : par flexibilité, liant, souplesse, bon nombre de cavaliers se laissent berner par la nonchalance ! Visuellement, le cheval ainsi manié renvoie l’image d’être très « laxe », mais en fait, il est en sous-impulsion. Je pense que l’on ne doit pas oublier les directives du général L’Hotte : calme (disponible, attentif), en avant (IMPULSION non entretenue par le cavalier), et droit ; sans négliger « en avant », ce que Decarpentry nous expose en mentionnant que tout travail sans impulsion est à considérer comme un travail nul !
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Il faut bien différencier la flexibilité de la nonchalance, la disponibilité dans la décontraction totale ce qui conduit, comme l’a fait remarquer Beudant, à une augmentation de l’impulsion. Aussi surprenant que cela paraisse, décontracté, proche d’un équilibre parfait, sans soutien, l’impulsion augmente et peut surprendre le cavalier ! Je crois que de là naît l’impulsion « supérieure » nécessaire aux allures d’école, rassemblées, etc…, et ceci est valable pour des chevaux des plus « communs » dont on ne soupçonne pas qu’ils soient capables de délivrer cette énergie qui peut surprendre ! Sous la pression continuelle des aides, on ne peut qu’approcher cette qualité d’impulsion sans jamais l’égaler, d’où les nombreuses techniques et outils pour « forcer » cet état qui, au final, ne peut être obtenue qu’avec le bonne volonté du cheval, au sens où on ne peut pas l’obtenir sans « l’accord moral » du cheval. Pour imager, je ferai la comparaison du cheval des plus communs dans sa pâture, placide, soumis à un événement extérieur : il se met à exprimer des allures qu’on ne lui soupçonnait pas. Toute la difficulté réside à lui permettre de restituer ce « brillant » sous les directives de son cavalier…, et quand ce brillant s’exprime, à ne pas l’entraver !
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Ces quelques points me conduisent au fait que cette équitation ne peut pas être l’équitation de « tout le monde », au risque de choquer ou de blesser bien des cavaliers mais je crois qu’il en va pour cette forme d’équitation comme pour d’autres activités (la musique, la danse, les arts plastiques, etc…), où rien ne peut être entrepris avec des chances de réussite sans avoir quelques aptitudes !