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S’assurer qu’il n’y a aucune résistance, aucune opposition dans le corps du cheval à la moindre sollicitation des aides du cavalier.
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Il faut sentir que le cheval va avec le mouvement qui lui est demandé, que ce mouvement est toléré et admis par le cheval, pour qu’au final il poursuive de lui-même le mouvement. Dans ces conditions, les aides deviennent « suggestives » ce qui donne au cheval des options de choix, de raisonnement en sollicitant son intelligence.
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Par conséquent, il faut être sûr que ce qui est demandé est « faisable » par le cheval… tant d’un point de vue de la compréhension que de la réalisation.
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En d’autre termes, il faut s’assurer que le cheval participe volontairement à ce qui lui est demandé, comme un partenaire « complice », volontaire, qui remplit son rôle au sein d’un binôme. Cette place au sein de ce binôme doit être acceptée par le cheval qui ne doit pas s’y sentir contraint, car dans ce cas, le cheval ne se livre jamais tout à fait ; il demeure toujours une retenue aussi minime soit-elle, ce qui l’empêche de se livrer totalement sans pouvoir exprimer « tout le brillant » dont la nature l’a doté.
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Pour être sûr que le cheval accepte le mouvement demandé, on doit s’assurer de ne plus faire sentir les aides (descente des aides) et laisser le cheval finir le mouvement de lui-même.
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Si le cheval n’y parvient pas, c’est que des résistances (contractions volontaires ou non) apparaissent et là, il s’agit de les « supprimer » en décontractant le cheval, en supprimant les tensions, qu’elles soient physiques ou mentales, ou les deux !
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Les contractions, résistances, oppositions, sont ressenties par la main lorsqu’elle « sent la bouche ». Il me semble qu’à ce moment là, il est déjà trop tard : ces contractions se manifestent bien souvent d’abord dans l’assiette du cavalier qui doit dès ce stade chercher, par les moyens qu’il connaît, à les réduire, à les supprimer, à les « détruire » pour reprendre l’expression de Baucher ; par contre, je ne crois pas qu’il faille comprendre par le fait de vouloir la destruction des résistances d’employer des moyens qui permettent d’y parvenir en utilisant la force physique ; on ne cherche pas à détruire une opposition, une résistance, en lui opposant une force « supérieure », mais en cherchant à l’isoler localement, puis à la supprimer par des manipulations douces, appropriées, ciblées sur la zone de résistances. Le demi-arrêt ou la vibration génèrent, avec du recul, une amélioration à condition d’avoir la main de Baucher, Beudant, Faverot, etc…ce qui n’est pas le cas de tout le monde ! A bien y regarder, accéder à la bouche pour supprimer des contractions risque d’engendrer plus de désordre qu’autre chose. Ce qui implique du cavalier qu’il ait développé son assiette en sorte qu’elle soit « intelligente », sensible, réceptrice. L’assiette et le dos du cavalier sont, au même titre que le dos du cheval, des « émetteurs/récepteurs ». Qu’en est-il de notre époque où la mise en selle n’est guère d’actualité !
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Quelle que soit l’action du cavalier sur le cheval, celle-ci doit être admise par lui et il faut chercher à ce qu’il y réponde sans aucune opposition ; le cheval doit être « acceptant » ce qui implique du cavalier qu’il assume pleinement ses responsabilités ! Je crois même que le cheval doit donner la sensation d’aller « de lui-même » au devant de la demande de son cavalier, de donner le mouvement demandé avant que les aides ne se soient complètement exprimées.
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Concrètement, il faut avoir la sensation que le cheval suit la main (comme les jambes) sans aucune retenue, mais surtout, si retenue ou opposition ou résistance il y a, il s’agit de ne pas (surtout pas) durcir l’aide, ne pas augmenter son effet ; il s’agit dans cette situation de ne plus la faire sentir, puis de s’arrêter, de s’interroger sur la cause de cette résistance et de chercher le moyen de la supprimer. Je pense que c’est ce qu’il faut comprendre par « décomposer la force et le mouvement ».
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Quand le cheval a suffisamment « d’expérience », on cherche à réduire la moindre résistance sans passer par l’arrêt, en restant dans le mouvement et c’est, je crois, une des causes qui font que la succession des difficultés imposées par les protocoles de dressage font de la compétition un « non-sens » de cette forme d’équitation… à moins d’avoir un cheval particulièrement « doué » et particulièrement bien monté !
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Le cheval doit faire jouer tous ses « ressorts » de façon homogène sans avoir aucun appui aux aides de son cavalier, car si appui il y a, c’est que l’on est en « rupture d’équilibre ». Ses ressorts doivent « jouer » les uns par rapport aux autres, et non sur une butée « fixe » ; le cheval n’est pas tenu, il demeure en équilibre SEUL, sans aucun soutien et à plus forte raison sans soutien « continu », sans quoi on entre dans un travail de « mise sur la main » avec les dérives de l’équitation actuelle, « mondialisée » , bien éloignée (pour ne pas dire à l’opposé) de ce que le comte d’Aure avait instauré à Saumur à l’époque de Baucher. Deux concepts qui s’opposent, mais deux finalités identiques… Concernant le comte d’Aure, bien des cavaliers ont confondu soutien et appui…
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Dans le bauchérisme, la mise en main prime sur toute demande du cavalier, qu’elle soit obtenue par la main seule ou par la création de mouvements et de postures judicieux qui « provoquent » la mise en main. Encore faut-il que le cavalier soit suffisamment instruit pour dissocier mise en main de mise sur la main ! Je retrouve souvent chez les cavaliers bien des confusions sur les termes équestres…qui me fait dire qu’internet ne peut pas tout faire… A ce sujet, je constate que notre époque voit apparaître une multitude de cavaliers qui, parce qu’ils savent ou croient savoir, se considèrent dispensés de … savoir-faire ! Et comme si cela ne suffisait pas(!), certains provoquent des échanges verbaux interminables bien stériles au cours desquels beaucoup confondent savoir et savoir-faire. Il ne faut jamais oublier qu’en équitation, celui qui n’a pas ressenti ne sait pas (Jean-Claude Racinet) !
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Certains cavaliers voient dans l’équitation une quête d’ordre esthétique et « moral » au sens où il s’agit de retrouver la grâce, l’aisance, la beauté du cheval « libre » sous les aides invisibles de son cavalier ayant obtenu l’adhésion totale et inconditionnelle du cheval, adhésion volontaire physique et morale.
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Du point précédent, on retrouve des caractéristiques de l’équitation de tradition française issue de la Renaissance, et dès Pluvinel (XVIème), il est fait mention de cette recherche très importante sur le moral et la bonne volonté du cheval qu’il faut acquérir (…elle est comme la fleur sur le fruit, laquelle ôtée ne retourne jamais…) sans quoi son développement physique n’est pas « complet » ! Comme quoi, la « tradition » n’est pas toujours ce que l’on croît, d’autant que bien peu d’hommes de chevaux s’y sont « attaché » pour la transmettre intacte… sans oublier que biens des cavaliers ont maltraité leurs chevaux au nom de la tradition ! Par contre, cette transmission permet aux jeunes cavaliers de s’en imprégner, de la comprendre, la maîtriser, et la faire évoluer (il en va de même d’un ordre plus général au sens où nous cherchons à connaître et comprendre notre passé pour pouvoir envisager l’avenir…).
Il y a matière à citer un ancien écuyer en chef : «…le culte de la tradition n’exclut pas l’amour du progrès… », en étant attentif au fait que le progrès concerne directement l’intégrité du cheval dans son développement qui, à notre époque comme à celle de Pluvinel, ne doit pas asservir le cheval mais en faire un partenaire. Tout le monde sait (ou devrait savoir) qu’un cheval obéissant, soumis sous les contraintes tant physiques que morales, ne se livre jamais complètement, n’exprime jamais pleinement la beauté de ses gestes et allures tel qu’il le fait en liberté. Je crois qu’est précisément là toute la difficulté de l’art équestre poussé vers ce qui a été codifié comme entrant dans la haute école, l’équitation savante, etc…, et à plus forte raison dans notre patrimoine culturel équestre où il s’agit de renvoyer l’image du cheval « qui manie comme de lui-même », sans l’intervention de son cavalier ; cela suppose la plus grande discrétion de ce cavalier dont les aides sont devenues invisibles associées à une posture reconnaissable. Cet état d’esprit est encore cité à l’étranger comme étant « la difficile facilité » de l’équitation à la Française ! Quand on voit ce que l’on voit de nos jours, il y a matière à s’interroger sur son « devenir »…